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Faut-il prêter attention à l’avis de lecture négatif ?

    zero like affiché en néon

    Que l’on parte de ce postulat : la critique fait mal. Qu’importe le domaine concerné, lorsque l’on fait de son mieux et que l’on reçoit en récompense un « bof » mollasson, l’égo s’en retrouve chamboulé, et la remise en question souvent existentielle pour un créatif se met en branle.  

    De nos jours, la critique se cache sous le terme d’avis et celui-ci est partout. Un repas au restaurant, une location pour un week-end, l’achat d’une nouvelle cafetière, on ne peut plus rien consommer sans passer en revue les commentaires des utilisateurs précédents. Le système de notation en étoile nous permet même en un coup d’œil de décider ou non d’acheter une baguette de pain dans telle ou telle boulangerie.

    Certains auront en mémoire cet épisode de Black Mirror dans lequel la vie des êtres humains repose entièrement sur ce système de notation. Et je suis certaine qu’un expert de la langue des oiseaux me pointerait du doigt la similitude phonétique entre l’avis et la vie.

    Mais lorsqu’il s’agit de son livre, doit-on prendre pour argent comptant un avis de lecture négatif ?

    Une opinion parmi tant d’autres

    Les plus polis d’entre nous auront en tête cette sentence enfantine : « On ne dit pas c’est nul, mais je n’aime pas. ». Et à elle seule, cette phrase explique parfaitement ce qu’est un avis. À l’opposé d’une vérité générale, un avis est personnel, et pris dans sa singularité il n’exprime rien d’autre que l’opinion d’une personne à un instant t.

    🧐 Certains auteurs autoédités s’insurgent contre le système de notation en ligne quand ils tombent sous le couperet d’un avis défavorable. Oui, c’est injuste. Mais si la question sous-jacente est de savoir ce que révèle un avis négatif de votre qualité d’auteur, la réponse est : absolument rien (si bien sûr, la partie éditoriale a bien été traitée).

    👉 J’ai récemment lu le premier tome d’une saga romantique qui cartonne. Ce que j’en ai pensé ? Qualité littéraire moyenne, personnages caricaturaux, résolution d’intrigue décevante. Ceci n’est que mon avis. Le livre lui s’est vendu à des millions d’exemplaires. Comme quoi mon avis ici ne vaut rien, mais alors rien du tout. Qu’on se le dise, aucune œuvre ne fait le consensus et accepter cela est tout l’enjeu de la mise à nue que suppose une publication. Le courage de publier réside dans le risque de déplaire.

    Un avis diffère d’une personne à une autre

    Un levier d’amélioration ?

    📕 Le cadre scolaire nous a inculqué que notre valeur était définie par les bons point que nous recevions. Et dans la vie professionnelle, nous restons confrontés aux évaluations annuelles de fin d’année pour savoir si nous méritons ou non augmentation ou promotion.

    Si nous replaçons dans ce contexte la fonction des notations en ligne, elle n’est en rien un système de récompense mais un outil de recommandation. La possibilité donnée à un utilisateur d’une plateforme de recommander un livre à une communauté de lecteur. Comme nous le faisons de manière spontanée avec nos proches après une lecture marquante. 🙆‍♀️

    J’ai vu une autrice poster sur son compte Instagram à propos d’un avis négatif reçu « Noter une étoile sans argumentation, ça ne sert à rien, ce n’est pas constructif ». On est d’accord. Mais, constructif pour qui ? Car dans le cas contraire, être noté de cinq étoiles sans commentaire est tout aussi subjectif. L’idée de notation n’est pas de permettre à l’auteur de s’appuyer sur les commentaires pour améliorer sa prose, mais de dire aux autres lecteurs si l’on a aimé ou pas un livre, et, éventuellement, d’en expliquer les raisons.

    💌 Peut-être me diriez-vous que les lecteurs ne devraient alors noter que les livres qu’ils ont aimés. Dans un monde idéal, oui, mais publier sur une plateforme, c’est accepter son modèle économique

    La force de la communauté

    On le sait tous, le système de notation est un incroyable outil de référencement pour un ouvrage. Mais ce qui compte avant tout pour la plateforme, c’est de vendre. Plus il y a de petites étoiles, plus le livre va se vendre, et plus la plateforme y gagne. 💶

    👉 Il m’arrive de lire sur tablette numérique, et systématiquement, dès que le livre est fini, la plateforme me demande de noter ma lecture. À ses yeux, je ne suis pas une lectrice mais une consommatrice. Et tout m’est facilité pour noter : je n’ai qu’à cliquer sur le nombre d’étoiles qui m’est présenté. Mettre une ou cinq étoiles sans argumenter, et sous couvert d’anonymat est un jeu d’enfant. Facile et rapide.

    Le nombre de cliques aux étoiles défini le taux de recommandation. Si vous n’avez que dix lecteurs qui notent de façon généreuse votre livre, vous resterez toujours moins visible que l’auteur ayant cent lecteurs, quand bien même son livre serait moins plébiscité. La stratégie consiste alors à se construire un solide réseau en amont de votre publication pour obtenir un score raisonnable au jeu des notations.

    ✏ Un avis reste celui du lecteur qui aura pris le temps de la notation.

    Être recommandé est aussi une stratégie éditoriale

    La temporalité du livre

    Il existe un autre levier d’achat diablement efficace : le bouche-à-oreille. Tellement invisible qu’on l’oublie. Pourtant, je suis certaine que la plupart du temps, quand vous ne savez pas quoi lire, votre premier réflexe est de demander à un proche un conseil de lecture, certainement pas de vous précipiter sur internet pour juger d’un score étoilé.

    ⏰ Ne prendre en compte que le système numérique de notation serait une erreur, tout comme penser que votre livre a une date de péremption. Ce n’est pas parce qu’un livre n’est pas salué dès ses premiers mois de publication qu’il ne trouvera pas son chemin. Un livre s’inscrit dans le temps, c’est d’ailleurs sa fonction. À la recherche du temps perdu, Ulysse, Madame Bovary, autant d’œuvres cultes qui ont été incendiées dès leur sortie.

    Sans endosser le costume de l’auteur incompris, respecter la temporalité d’un livre, c’est lui donner le temps de trouver son chemin.

    Lâcher prise et laisser le temps au temps

    Pour conclure

    Quand j’étais adolescente, j’ai été bouleversée par La nuit des temps de Barjavel. Par nostalgie, je l’ai relu adulte, hélas, la magie avait disparu. Peut-être s’agissait-il d’un mauvais timing. Tout ça pour dire qu’un même livre peut marquer profondément son lecteur, comme le décevoir.

    🔑 Si un avis est certes utile pour le référencement d’un livre, mais ne dit rien de la qualité d’un auteur, quelle place doit-on accorder à un avis négatif ? Je voudrais répondre « aucune ».

    La solution serait alors de lâcher prise et d’accepter que le livre une fois publié n’appartient plus à son auteur. Faire confiance à ses lecteurs pour pérenniser la vie de son ouvrage serait alors la clé.

    Cathy Mandonnet
    Accompagnatrice d’auteurs indépendants